Stanisław August Poniatowski (1732-1798) fut le dernier roi de l’Union de Deux Nations, rassemblant alors le Royaume de Pologne et le Grand-duché de Lithuanie. Pendant son règne, lors de la deuxième moitié du 18e siècle, la ville de Varsovie multiplia sa population par quatre et développa une puissante classe d’artisans. La capitale devint un centre célèbre pour la musique. Le roi soutint généreusement les artistes, en leur finançant des études dans le royaume et à l’étranger.
Varsovie doit en particulier à Poniatowski les jardins royaux, nommés Łazienki Królewskie, occupant presque 80 hectares. Łazienki fut l’oeuvre de plusieurs artistes. Les architectes royaux de Stanisław August étaient Domenico Merlini, venant de Lombardie, ainsi que Jan Christian Kamsetzer, originaire de Dresde, tous les deux liés à la Pologne. Ils conçurent le projet du Palais-sur-l’Île (nommé aussi le Palais-sur-l’Eau), la résidence d’été du roi. Avant, il s’y trouvait “la maison de bains” (en polonais: łazienki), bâtie par Stanisław Lubomirski, noble polonais, comme un lieu de repos. Reconstruit en style classique, l’édifice reste en harmonie avec son entourage naturel. Depuis le temps de Poniatowski, le parc est ouvert à la société.
Zygmunt Vogel (1764-1826) et Marcin Zaleski (1796-1877), les plus connus védutistes polonais, ont représenté le parc Łazienki dans leurs peintures. Vogel à l’époque du roi, Zaleski un peu plus tard.
De tous les intérieurs du Palais-sur-l’Île, la plus grande valeur revient à la Salle de bal. Les auteurs de ses riches décors furent Jan Bogumił Plersch, peintre polonais d’origine saxonne, Giacomo Monaldi et Tommaso Righi, sculpteurs italiens et André Le Brun, sculpteur français.
L‘entrée du palais porte l’inscription latine: Haec domus odit tristitias amat pacem fundit balnea comendat rura et q tat probos, qui signifie: cette maison déteste la tristesse, aime la paix, offre le bain, recommande une vie idyllique et souhaite recevoir des gens de cœur.
Chaque jeudi, le roi Poniatowski organisait des dîners culturels, logiquement appelés “dîners du jeudi”. Parmi les invités, il y avaient des écrivains, philosophes et politiciens, ainsi que des artistes, comme Zygmunt Vogel. Pour que les esprits restent alertes, avait été instituée la règle d’un seul verre de vin par convive. Et pour clore les dîners devenus ennuyeux, le roi convint d’un signal avec son valet pour que celui-ci entre dans la salle avec une lettre importante demandant une intervention royale immédiate.
François Ryx, d’origine flamande, fut majordome du roi et posséda des appartements privés dans le Palais-sur-l’Île. Ryx profita de la confiance et de la sympathie royales, et reçut le titre de noble polonais.
La Maison Blanche était un palais miniature, conçu pour accueillir les invités. Le futur roi de France, Louis XVIII, y résida incognito entre 1801 et 1804, soit durant une partie de son exil de 23 ans, ayant quitté la France après la décapitation de son frère aîné Louis XVI.
Dans les jardins se trouve l’Amphithéâtre, édifié par Jan Chrystian Kamsetzer. Son architecture mêle styles antique et moderne. Ici on représenta des ballets, souvent basés sur des thèmes de la mythologie. Les acteurs arrivaient au théâtre en bateau.
L’Ancienne Orangerie était conçue pour les arbres exotiques. On y construisit aussi la Galerie de sculptures du roi, ainsi que le Théâtre Royal en 1788. Cette salle très décorée est représentative du goût du roi. Le théâtre eut beaucoup de chance en restant épargné lors de toutes les guerres, et il reste aujourd’hui l’un des rares authentiques théâtres de cour européens du 18e siècle ayant été préservés. Parmi les oeuvres d’art se trouvent des sculptures de André Le Brun (1737–1811), artiste français, qui passa trente ans en Pologne, dirigeant l’atelier royal de sculpture. Le théâtre bénéficie d’une acoustique parfaite et peut accueillir deux cents spectateurs. Autrefois, on y utilisait un équipement spécial pour imiter le bruit du vent ou de la tempête.
Ensuite, le roi Stanisław August rendit le théâtre accessible au grand public. Le père de la scène nationale polonaise fut Wojciech Bogusławski (1757-1829), acteur, réalisateur et directeur de théâtre. Sur la scène se joua parfois aussi des pièces aux thèmes politiques, comme sur des réformes dans le pays. Bogusławski représenta des pièces polonaises (Niemcewicz, Zabłocki, … et ses propres oeuvres) et étrangères (Molière, Diderot, Shakespeare…). Il installa aussi la première Ecole Dramatique Polonaise.
Poniatowski crut dans le rôle de l’éducation artistique, dont le but était de forger la culture spirituelle de la nation. Pour cette raison, il ouvrit à tous ses galeries privées de peinture européenne. Dans L’Ancienne Orangerie, le roi créa un pavillon pour abriter des sculptures antiques. Il projeta d’ouvrir l’Académie des Beaux-Arts et rendre la collection accessible aux étudiants.
Le parc se compose du Jardin Royal, du Jardin Romantique, du Jardin Moderniste, et du nouveau Jardin Chinois. Actuellement, on a aussi un projet de jardin du 21e siècle, avec un pavillon d’exposition souterrain.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les jardins furent fermés par l’occupant à la population polonaise. Le Palais-sur-l’Île fut dévasté et incendié par les Allemands en 1944. Après la guerre, on trouva dans les murs des trous percés pour faire exploser le palais à la dynamite, projet heureusement avorté. Les salles furent restaurées, en particulier entre 2012 et 2015.
Stanisław August Poniatowski disait qu’il voulait laisser un patrimoine artistique aux générations futures. Même si tous ses projets ne furent pas réalisés, il inculqua l’intérêt de protéger les réalisations artistiques et culturelles, ce qui se montra particulièrement utile dans les années difficiles que le pays allait traverser.
Les habitants de Varsovie aiment se promener dans le parc de Łazienki, qui reflète le désir du dernier roi de Pologne, mécène et promoteur des arts, de créer un pays moderne. Chaque mois de février, on y organise les Nuits des Jardins de Lumière, avec une centaine de lampions, comme dans le jardin du Château de Lunéville en France ou dans le jardin du Château Frederiksborg Hillerød au Danemark. Et chaque mois de juillet, il s‘y déroule le Royal Łazienki Music Festival, avec de nombreux petits concerts dans des coins épars du jardin.
Bibliographie:
. Adam Zamoyski: Polska. Opowieść o dziejach niezwykłego narodu 966-2008. Wyd. Literackie, 2011, s. 280-282.
. Pałac na wodzie. Warszawa.wikia.pl.
. L’Amphithéâtre de Łazienki Królewskie. Lazienki-krolewskie.pl.
. Monika Mokrzycka-Pokora: Wojciech Bogusławski. Culture.pl, wrzesień 2006.
. Les Jardins de Lumière. Lazienki-krolewskie.pl.